Il y a beaucoup à dire sur cette signature que Jacques Trovic adopte dès l'origine de son travail chaque fois qu'il envoie un courrier ou même quand la Jeune Chambre économique de Valenciennes lui demande de détailler ses activités.
Jacques a choisi dans la nomenclature des métiers celui-là. Il s'inscrit dans une définition « de son art », qui le place d'emblée dans la catégorie des artisans comme quand on dit de certains d'entre eux qu'ils sont « des artistes ».
C'est aussi dire que pour lui, être artiste ne se situe pas du côté d'une activité où l'expression du Moi serait la source d'une recherche formelle qui ferait évoluer les sujets et les esthétiques. Il semble que le mouvement de création de Jacques soit cette extraordinaire pulsion de restitution à travers l'oeuvre à laquelle il travaille, d'une réalité collective dans laquelle chaque personne doit pouvoir se reconnaïtre.
La liste impressionnante des titres de ses oeuvres constitue le panorama des activités d'une société, celle à laquelle Jacques appartient comme tous ses contemporains. Par son oeuvre Jacques réunit une communauté humaine.
On dit du père de Jacques (1914-1975) qu'il fut platrier, un métier noble dans les métiers du bâtiment, un travail qui exige un savoir-faire certain dans la société du bâtiment où il travaillait : les établissements Colli Carlo à Anzin. Jacques échoua à suivre son père dans ce chemin professionnel.
En 2014, tard dans sa vie, Jacques Trovic crée une tapisserie, de petite taille (60X80) et d'une belle sobriété qui s'appelle : « Les platriers » et prolonge ainsi sa série des métiers. En choisissant si tard d'honorer le métier de son père, ne peut-on pas penser que Jacques avait trouvé le moyen et la paix suffisante pour affirmer une filiation avec ce père qui accepta si peu sa personnalité et son art ? N'a-t-il pas tenté de réduire l'écart entre une mère, Fernande Adèle, protectrice à l'excès et un père Henri Trovic complètement réfractaire à l'activité par trop féminine de son fils ? L'hypothése est plausible.
Choisir de faire de la mosaïque, de la tapisserie procède des arts décoratifs et en effet ces productions embellissent les murs des maisons. Dans l'esprit de Jacques, c'est ce qu'il faisait : mettre du beau dans la vie des gens.
Jacques Trovic à la tête d'une entreprise artisanale.
Et comme un artisan, Jacques invente les outils qui vont permettre aux acheteurs potentiels, aux galeristes, aux musées de connaître ses oeuvres. Si Rembrandt faisait des gravures à partir de ses peintures pour les faire voyager et connaître partout en Europe, Trovic va utiliser la photographie de ses oeuvres pour en garder trace et pour les faire connaître. Il montre son travail en éditant les cartes postales faites à partir des photographies de ses oeuvres. Tout comme il le fit avec moi lorsque je le rencontrais pour la première fois. Il m'initia à son oeuvre par les cartes postales qu'il m'a offertes.
Très jeune et en fonction de son budget, Jacques amenait chaque tapisserie à peine terminée chez le photographe de quartier Photo Flash rue Anatole France. Il mit à contribution ses amis : A.L. par exemple qui venait chez lui régulièrement pour photographier ses oeuvres. Puis B.N. en 1990 prend le relai et Jacques ne manque pas de le solliciter pour faire des photos lors des expositions. Et c'est bien grâce à B.N. qu'un DVD de photographies d'oeuvres continue de circuler. Grâce à qui l'oeuvre de Jacques Trovic nous est connue, y compris les oeuvres perdues, volées ou détruites.
Un ballet s'organisait de manière discrète et sûre : Jacques donnait sa tapisserie à son proche et indéfectible ami : Mokhtar qui emmenait l'oeuvre au marché où lui-même vendait de la laine . B.N. venait prendre des mains de Mokhtar le précieux paquet qui ne payait pas de mine. Il l'amenait chez lui, faisait le cliché. La semaine suivante il retournait au marché et restituait à Mokhtar l'oeuvre et sa reproduction. Une belle chaîne d'amitié, d'attention, de générosité que Jacques Trovic savait susciter. Il avait le don de créer des liens de cette nature. Car le ballet dura 20 ans… Et ses amitiés furent éternelles.
Les institutions qui l'exposaient faisaient aussi des clichés des oeuvres et il demandait alors l'autorisation de les transmettre aux personnes interessées en vue d'expositions possibles... Jacques s'adonnait à ce travail dense avec application et de manière systématique.
Il procédait de la même manière pour se constituer une revue de presse impressionnante. Il achetait plusieurs exemplaires des journaux et catalogues et les adressaient à ses collectionneurs, ses amis, aux journalistes ...
Tous les prix, médailles, diplômes, distinctions feront l'objet d'une méticuleuse recension. Parfois les articles de journaux se contentaient d'aligner toutes ces récompenses et la messe était dite.
Bref Jacques assurait sa communication de manière « artisanale » mais infaillible puisque c'est ce travail qui nous permet de retracer sa carrière aujourd'hui qu'il n'est plus là.
Jacques, artiste, peintre, décorateur avait gardé de l'artisanat la polyvalence, l'obligation pour perdurer de contrôler toutes les phases de la chaîne, de la production à la publicité en passant par les transports, les expéditions et les retours. L'atelier Trovic ne connaissait pas le repos. Et c'est l'artiste Jacques Trovic qui a veillé au rayonnement de sa propre oeuvre.
Article créé le samedi 21 août 2021 pour le site des Solèls.
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